Des alliances stratégiques à une rupture révolutionnaire (496 - 1789)
Si la date exacte de la création du Saint Sièges reste matière à débat, notamment de son passage d’Eglise de Rome à l’institution que l’on reconnaît aujourd’hui comme étant le Vatican, il ne fait aucun doute que cette organisation entretenait déjà des relations avec ce qui s’apparente au prémisse de la France que nous connaissons actuellement.
L’épisode du baptême de Clovis marque durablement l’identité française. Il donne naissance à une vision unifiée de la monarchie, qui se voit investie d’une mission divine. Le lien avec le Saint-Siège s’affermit au fil des siècles, bien qu’il reste parfois tumultueux. Les relations entre la France et le Saint-Siège se construisent sur un équilibre subtil d’alliances solides et de tensions croissantes. Si la France se revendique comme la "fille aînée de l’Église", elle n’hésite pas au fil des années à affirmer son indépendance vis-à-vis de Rome à travers, notamment, le gallicanisme. Ce double rapport d’entente et de rivalité se manifeste dans des domaines aussi divers que les sacres royaux, les doctrines religieuses et les conflits diplomatiques.
Les sacres royaux, moments clés de l’histoire de la monarchie française, illustrent l’alliance forte entre le trône et l’autel. Depuis le baptême de Clovis, l’Église catholique accorde une légitimité divine aux souverains français. Les rois de France sont sacrés à Reims, un rituel empreint de symboles religieux où l’on utilise la Sainte Ampoule, supposément envoyée par Dieu lui-même lors du baptême de Clovis. Le pape joue également un rôle central en soutenant ce sacre, garantissant ainsi la sacralité du pouvoir royal. En retour, les rois de France se présentent comme les défenseurs de l’Église catholique en Europe. Ce lien fût renforcé par des alliances politiques, comme le Concordat de Bologne en 1516, qui conféra au roi un rôle déterminant dans la nomination des évêques.
Si la France reste un des plus grands alliés du Saint Sièges, Les Etats pontificaux jouent un rôle diplomatique et spirituel important dans la résolution des grands conflits européens. Sa position oscille entre médiation, soutien et opposition, en cherchant à maintenir l’équilibre des pouvoirs tout en défendant malgré tout ses propres intérêts.
En effet, la France, sous l’impulsion des papes, prend une place centrale dans les croisades, notamment sous Louis IX, dit Saint Louis, qui est une figure emblématique de la chrétienté. Ce soutien renforce les liens entre Rome et Paris, tout en asseyant le rôle de la France comme protectrice de la foi.
De plus, durant les Guerres de Religion de 1562 à 1598, le Saint-Siège soutient les efforts de la monarchie catholique contre les protestants, notamment à travers des alliances avec la Ligue catholique. Cependant, se soutient n’est pas inconditionnel et des tensions émergent lorsque les intérêts politiques du roi divergent des attentes religieuses du pape, comme lors de l’édit de Nantes de 1598, accordant une tolérance limitée aux protestants.
Aucune alliance, la plus ancienne soit-elle, ne va sans tensions. Et le gallicanisme, doctrine spécifique à la France, émerge comme une revendication de l’indépendance du pouvoir royal vis-à-vis du Saint-Siège. Reposant sur deux principes, cette doctrine revendique l’autonomie de l’Église de France dans les affaires internes. Selon elle, le roi doit exercer un contrôle sur l’administration des diocèses et la nomination des évêques, limitant ainsi l’influence directe du pape. De plus, elle insiste également sur la prééminence du pouvoir royal sur le pouvoir spirituel. En effet, elle instaure une hiérarchie des pouvoirs dans les affaires religieuses en France ayant un impact politique, où le roi se considère comme supérieur au pape.
Ce gallicanisme se formalise à travers des textes comme la Déclaration des Quatre Articles de 1682, sous Louis XIV, qui vise à limiter l’autorité papale en France. Cette indépendance provoqua des frictions entre les deux Nations, Rome voyant dans le gallicanisme une menace pour son autorité universelle.
Ainsi, cette alliance parfois tumultueuse entre la France et le Saint-Siège durant le Moyen Age et jusqu’à la fin de la Monarchie reflète un équilibre complexe. Si la France profite du soutien spirituel et diplomatique de Rome, elle n’hésite pas à affirmer son autonomie par le gallicanisme et à s’éloigner de l’autorité pontificale lorsque ses intérêts l’exigent. L’histoire de ces relations témoigne d’un dialogue permanent entre foi et politique, où le Vatican et la monarchie française tentent de concilier leurs ambitions respectives. Ce modèle influence durablement l’identité politique et religieuse de la France, marquant une étape clé dans la construction de son rôle singulier au sein de la chrétienté.